PÉTROLE - Les politiques pétrolières

PÉTROLE - Les politiques pétrolières
PÉTROLE - Les politiques pétrolières

Jusqu’au début des années 1970, il n’existait pas à proprement parler de politiques pétrolières autres que celles des grandes compagnies internationales. Avant la Seconde Guerre mondiale, les États ne voulaient ou ne pouvaient pas intervenir dans un jeu qui se déroulait à l’échelle planétaire, et qu’ils subissaient. Les États industrialisés prirent quelques mesures conservatoires de leurs gisements nationaux ou encore de protection contre la puissance croissante des grandes compagnies.

Les États producteurs d’Amérique latine ou du Moyen-Orient, quant à eux, étaient dans une situation coloniale de droit ou de fait et se contentaient de recevoir les royalties que les compagnies consentaient à leur accorder.

Cette période est bien révolue. Déjà la Seconde Guerre mondiale avait contribué à faire prendre conscience aux grands États industriels de l’importance du pétrole dans l’économie de guerre comme dans l’économie de paix. L’éveil du Tiers Monde devait, par ailleurs, remettre en cause la place privilégiée des grandes compagnies.

Désormais, trois forces, trois politiques s’exercent: compagnies pétrolières internationales, grands États consommateurs de produits pétroliers, États producteurs du Sud; chacun a ses objectifs propres, souvent opposés à ceux des autres, plus ou moins clairement et durablement définis; aucun ne maîtrise le jeu sur un théâtre de l’énergie où le pétrole, commercialement devenu une matière première comme les autres, conserve un rôle économique stratégique qui fait de lui l’enjeu et le moteur d’affrontements politiques.

1. Compagnies pétrolières internationales et pays producteurs du Tiers Monde jusqu’en 1971

Les années 1950 et 1960 virent l’apogée des grandes compagnies pétrolières internationales. La Standard Oil of New Jersey (future Exxon Corp.), Mobil, Texaco, Gulf et le Standard Oil of California (ces deux dernières fusionneront pour former Chevron), pour les États-Unis, British Petroleum et Royal Dutch-Shell, pour l’Europe, constituaient le groupe des «majors», la Compagnie française des pétroles (C.F.P., aujourd’hui Total) étant parfois considérée comme la «huitième des sept sœurs». Pour toutes, la recherche d’une approvisionnement abondant et de débouchés stables devait, en raison même du caractère propre de l’industrie pétrolière, conduire à une politique originale.

L’industrie pétrolière est une industrie lourde, intense en capital, car le rapport entre le montant des investissements annuels et la valeur ajoutée nette d’impôts est particulièrement élevé. Or, en raison de la croissance très forte de la production et du coût unitaire de plus en plus important de certains investissements pétroliers, les compagnies sont condamnées à investir toujours davantage et donc à faire de plus en plus de profits pour pouvoir les financer. Par ailleurs, l’activité pétrolière est certainement une des plus aléatoires parmi les activités économiques; à l’aléa technique (la découverte du pétrole ressortit encore beaucoup à la chance) s’ajoute de façon pressante l’aléa politique; il se trouve que la production pétrolière se situe, pour une large part, dans des régions du monde particulièrement agitées. La paralysie des installations par fait de guerre, la nationalisation sont autant de menaces dont les pétroliers doivent tenir compte. La répartition des risques est donc une nécessité absolue.

Les pétroliers, de par la nature même de leurs investissements, sont conduits à mener un type de politique bien particulier.

Une compagnie pétrolière ne peut qu’être une entreprise géante, et ce n’est pas un hasard si, au début des années 1970, parmi les dix sociétés les plus importantes du monde, figurent quatre sociétés pétrolières. En fait, il n’y a pas de société pétrolière viable au-dessous d’un certain volume de chiffre d’affaires; celles qui n’atteignent pas ce seuil minimal ne subsistent généralement que grâce à une protection spéciale, notamment de la part de l’État. Toute compagnie pétrolière est vouée au gigantisme ou à la disparition.

Les compagnies pétrolières poursuivent alors de façon systématique l’intégration verticale. «De la tête du puits à la pompe», les sociétés sont présentes à tous les stades de l’industrie pétrolière: exploration, développement, production, transport, raffinage, distribution. Cette intégration se justifie par le souci de répartir les risques entre une activité d’exploration-production aléatoire, nécessitant des capitaux propres considérables et les autres activités. Elle s’explique par la volonté de réaliser un profit maximal par l’harmonisation des ressources en pétrole brut et des débouchés pour les produits.

Pour des raisons comparables, les compagnies ont été amenées à déployer une activité multinationale. Cet internationalisme est dû à la taille même des entreprises. Le risque de voir l’administration des États-Unis les accuser de menacer le libre jeu du marché a conduit les sociétés américaines à développer leur activité à l’étranger. Pour les Européens, il s’agissait d’aller chercher le pétrole là où il était. La croissance rapide de la demande nécessite en outre la découverte de nouvelles sources d’approvisionnements. Enfin, cet internationalisme est renforcé par la volonté de répartir géographiquement les risques à travers le monde entier. La recherche de sources plus nombreuses et plus sûres est une des préoccupations dominantes des sociétés, même si en Alaska ou en mer du Nord les investissements sont plus onéreux.

Pour des raisons du même ordre, toujours, les compagnies pétrolières essaient de diversifier leurs activités dans deux directions: la chimie, qui devient un des débouchés de l’activité pétrolière, et les autres énergies. Certaines sociétés, notamment la Gulf, détiennent alors des intérêts importants dans le secteur de l’énergie atomique. Dans quelques cas, les compagnies pétrolières tendent à devenir de véritables conglomérats, avec des résultats peu probants.

Poursuivant ces objectifs, les compagnies pétrolières, tout au moins les «majors», ont été fréquemment accusées de vouloir dominer le marché du pétrole. La puissance monopolistique des compagnies a été dénoncée; le cartel des sociétés a été mis en cause. On a pu se demander si la domination concertée du marché mondial était un objectif des grandes compagnies internationales.

Il est évident qu’il le fut, jadis. L’accord d’Achnacarry, signé en 1928 entre la Royal Dutch Shell, l’Anglo-Persian et la Standard Oil of New Jersey, a affirmé la volonté des trois plus grandes sociétés pétrolières de l’époque de renoncer à certaines formes de concurrence et de mettre en place une «paix pétrolière » dont elles auraient la maîtrise et les bénéfices. Le cartel a fonctionné tout en subissant plusieurs assauts. L’un est venu de l’administration américaine; en 1952, la Federal Trade Commission, chargée de faire respecter la législation antitrust, dépose un rapport où elle dénonce les moyens utilisés par les sept «majors» pour maintenir une situation de monopole. Une autre attaque sera le fait d’un Européen, Enrico Mattei, créateur de l’E.N.I. (compagnie d’État italienne), dont l’action a contribué à briser le monopole de production que les «majors» détenaient au Moyen-Orient. Enfin, la politique des pays producteurs du Tiers Monde a eu le même effet destructeur.

En fait, il n’y a plus cartel à proprement parler: il n’en demeure pas moins que les grandes compagnies internationales, par-delà leurs rivalités, ont conservé certaines formes d’action concertée. Cette concertation est très variable selon les pays et selon les stades de l’industrie pétrolière. Les grandes sociétés conjointes mises en place, principalement au Moyen-Orient, subsistent; au début des années 1970, les neuf dixièmes de la production de cette région proviennent de quatre compagnies qui sont l’émanation des «majors». De même, il n’est pas rare que des oléoducs soient la propriété conjointe de plusieurs compagnies. Il est sûr, cependant, que l’apparition sur le marché du pétrole de sociétés indépendantes (américaines, japonaises, européennes) a introduit à partir de 1955 un climat de compétition dont les «majors» ont dû s’accommoder et auquel ils ont dû participer. La concurrence est devenue réelle tant sur le marché des produits raffinés que dans le domaine de la pétrochimie. En revanche, le réflexe de concentration réapparaît lors de menaces extérieures; la crise pétrolière de 1970 n’a pas recréé le cartel, mais elle a montré qu’en cas de danger les compagnies faisaient taire leurs divergences et présentaient un front uni aux pays producteurs. Encore faut-il observer que ce réflexe de concertation s’est étendu à d’autres compagnies que les «majors», bien qu’ils aient joué un rôle prépondérant.

Leur puissance financière (tabl. 1) est certainement plus grande que par le passé en raison même du développement du marché du pétrole. La Standard Oil of New Jersey de 1970, avec un chiffre d’affaires égal à la moitié du budget français (vingt ans après, le rapport reste du même ordre), dépasse la Standard Oil de Rockefeller. Leur position sur le marché du pétrole se maintient et même s’affirme. S’ils ont été éliminés de certains pays, notamment des pays socialistes, si leur importance, dans les pays du Tiers Monde est en léger déclin, aux États-Unis, en Europe occidentale et au Japon, leur importance tend à croître. Au niveau de la production, les «majors» contrôlent en 1971 encore 60 p. 100 du total mondial, leur part dans le raffinage et la distribution étant de l’ordre de 55 p. 100. Les atouts dont ils disposent (organisation technique, importance des réserves, faculté d’adaptation) leur permettent de conserver le rôle de chefs de file du jeu pétrolier. Par contre, leur puissance «politique» n’est plus ce qu’elle était, surtout vis-à-vis des pays du Tiers Monde. Les «majors» ne font et ne défont plus les gouvernements. Ils ont en face d’eux des interlocuteurs et des négociateurs difficiles qui, eux aussi, ont une politique.

La situation privilégiée des grandes compagnies internationales, leur statut d’exterritorialité de fait, la faiblesse des royalties accordées aux États hôtes, leur position de monopole ont tout d’abord suscité des réactions de nationalisme exacerbé. En 1938, au Mexique, le président Cardenas nationalise les installations de la Shell; en 1951, le docteur Mossadegh, premier ministre d’Iran, nationalise l’Anglo-Iranian. Renversé par un coup d’État, Mossadegh est arrêté; le production iranienne mettra du temps à retrouver sa place au Moyen-Orient. En 1961, en Irak, le général Kassem, par la loi no 80, prive l’Iraq Petroleum Company, émanation des «majors», de 99 p. 100 des surfaces qui lui avaient été concédées. Ces trois révoltes furent apparemment des échecs. Pourtant, ces événements eurent des conséquences considérables: d’une part, les compagnies internationales comprirent qu’elles ne pouvaient plus conserver leurs privilèges initiaux; d’autre part, les pays producteurs virent que la révolte n’était pas payante. Ils étaient en effet incapables d’assurer l’écoulement à l’extérieur d’une production pétrolière importante contre les «majors» ou même en dehors d’eux. Le dialogue, même si parfois il fut difficile, devait relayer la révolte.

L’enjeu pour les pays du Tiers Monde était double: tirer de l’exploitation de leurs richesses pétrolières par les compagnies étrangères le maximum de revenus de façon à financer leur développement; assurer leur souveraineté dans le domaine de l’exploitation pétrolière afin qu’elle devienne une industrie nationale. La convergence des intentions et des intérêts devait les conduire à des formes d’action concertée dont l’O.P.E.P. fut l’organe.

La crise pétrolière qui s’est ouverte en décembre 1970-avril 1971 a surpris par son ampleur, par sa soudaineté et peut-être plus encore par sa forme.

Les précédentes crises pétrolières avaient opposé un État producteur à une compagnie. L’ensemble des pays producteurs du Tiers Monde se touvèrent cette fois opposés à la presque totalité des compagnies pétrolières. L’O.P.E.P. était née d’un réflexe de défense contre la chute des prix du pétrole, et donc des revenus des États hôtes: en 1956, puis en 1959, les principales compagnies opérant au Moyen-Orient avaient baissé les prix affichés ou «postés», bases de calcul de l’impôt reçu par les États producteurs; en septembre 1960 s’était créée l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (O.P.E.P.), à l’initiative des grands producteurs du Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Iran, Irak et Koweit) et du Venezuela.

Les compagnies pétrolières ont accueilli sa création avec réserve et ont poursuivi leur politique de négociations bilatérales. Peu à peu, l’O.P.E.P. s’est affirmée. Son organisation s’est étoffée: un secrétariat général, confié par rotation chaque année à un haut fonctionnaire pétrolier de nationalité différente, a été créé. L’O.P.E.P., qui à l’origine comptait cinq membres, regroupait en 1970 dix pays et contrôlait plus de 85 p. 100 des exportations mondiales. L’organisation s’est vu reconnaître de fait comme interlocuteur par les compagnies pétrolières internationales. Peu à peu, les négociations en matière de politique pétrolière se sont déroulées dans son enceinte, les compagnies et les États déléguant un chef de file chargé de mener la négociation. Dans un deuxième temps, les accords globaux font l’objet d’une application bilatérale entre les compagnies et les États.

La création et l’affirmation de l’O.P.E.P. ont eu plusieurs conséquences importantes. Son existence même a amené la définition d’une politique commune des États du Tiers Monde, qui s’exprime lors des conférences, en général biannuelles, de l’O.P.E.P. Le fait que le secrétariat général soit occupé, à tour de rôle, par un fonctionnaire de nationalité différente a contribué à cette harmonisation des points de vue. Cette politique de concertation de l’O.P.E.P. entraîne l’alignement des principes de base qui régissent la législation pétrolière des États membres, tout avantage accordé par une compagnie à un État hôte se propageant à l’ensemble des États.

2. La politique de l’O.P.E.P. (1960-1982)

La charte de l’O.P.E.P. – «Declaratory Statement of Petroleum Policy in Member Countries» –, décidée à la Conférence de Caracas (15-20 janvier 1961), avait assigné trois buts à l’Organisation: augmenter les revenus pétroliers des pays membres pour contribuer à leur développement, assurer leur mainmise progressive sur leur production pétrolière aux dépens des compagnies internationales, unifier les politiques de production, au besoin en fixant à chaque pays membre des quotas de production. Ces buts ne sont que très modérément poursuivis jusqu’en 1972.

Les pays de l’O.P.E.P., sans s’attaquer aux prix postés, qui ne varient pratiquement pas de 1960 à 1970 – 1,8 à 2 dollars le baril –, visent uniquement à accroître leurs recettes pétrolières par le biais de la « royalty » de 12,5 p. 100 versée par les compagnies: elle est depuis 1964 non plus calculée sur la base des prix effectivement pratiqués (qui comportent des rabais), mais sur celle des prix affichés plus élevés, et n’est plus considérée comme une avance à valoir sur l’impôt sur les sociétés, mais s’ajoute à cet impôt. Cette modification, jointe à l’augmentation du tonnage extrait, porte les revenus pétroliers des pays de l’O.P.E.P. à 8 milliards de dollars en 1970. En revanche, peu d’efforts sont faits pour augmenter la participation des pays membres dans l’exploitation de leurs ressources pétrolières. Quant à une politique commune de production, elle échoue: l’O.P.E.P. n’a pas pouvoir pour imposer des contingents, elle se contente de fixer des « quotas indicatifs», d’abord pour 1965-1966, mais qui ne sont pas respectés, notamment du fait de l’Arabie Saoudite, le principal producteur.

Les perspectives vont complètement changer dans la décennie 1970 pour deux groupes de raisons, économiques et politiques.

La plus importante est le retournement du marché pétrolier; jusqu’en 1970, la consommation de combustibles liquides était notoirement inférieure à l’offre de pétrole, fortement accrue par de nombreuses découvertes; l’écart était de l’ordre de 300 millions de tonnes, près du tiers de la production en 1960, et le pétrole ne couvrait alors que le tiers de la consommation énergétique mondiale. Mais, dans la décennie soixante, du fait même du bas prix du pétrole, explicable par la pléthore, de la baisse même du prix du baril en monnaie constante, des avantages techniques des combustibles liquides, tous les pays consommateurs se lancent dans une conversion aux produits pétroliers de leur consommation énergétique: la désaffection progressive à l’égard du charbon a pour corollaire le gonflement de la consommation de pétrole de 33 p. 100 de la consommation mondiale en 1960 à 46 p. 100 en 1973, celle de charbon tombant de 50 à 30 p. 100. Dès lors, la demande dépassant l’offre, les rapports de force sont inversés; les pays producteurs peuvent en profiter.

En outre, à plusieurs reprises, des interférences politiques renforcent leur position. Tout d’abord, entre les mains des producteurs arabes du Moyen-Orient et d’Afrique, le pétrole est une arme politique: un chantage au prix et aux quantités offertes est pratiqué à l’égard des pays industrialisés qui soutiennent Israël contre la «nation arabe», à partir de la guerre du Kippour, qui commence le 6 octobre 1973; un embargo est décidé, sinon appliqué, contre les États-Unis et les Pays-Bas. La menace d’une pénurie pétrolière provoque même un vent d’affolement dans les pays occidentaux industrialisés: un marché libre des produits pétroliers se crée à Rotterdam («marché spot»), où des cours anarchiquement élevés sont parfois pratiqués, supérieurs aux prix O.P.E.P., ce qui donne à cette organisation un argument supplémentaire pour augmenter davantage encore ses propres prix.

Cinq ans plus tard, la révolution islamique en Iran provoque l’effondrement de la production pétrolière de cet État; cet affaissement sera complété par la guerre entre l’Irak et l’Iran et les destructions d’installations pétrolières qui en résultent: l’Iran et l’Irak produisaient en 1974 à eux deux 400 millions de tonnes de pétrole; leur production tombe en 1981 à 106 millions de tonnes (4 p. 100 de l’extraction mondiale, contre 14 p. 100 en 1974). La crainte d’une pénurie pétrolière surgit à nouveau, avec ses conséquences sur la flambée des prix. Sous cette double influence, la politique pétrolière de l’O.P.E.P. devient très agressive, dans le domaine des prix comme dans celui du contrôle de la production.

La politique des prix

Le premier choc pétrolier (1970-1974)

L’offensive sur les prix débute dès décembre 1970 à la XXIe Conférence de l’O.P.E.P. à Caracas, avec la résolution 120, qui envisage de porter de 50 à 55 p. 100 le taux du prélèvement fiscal sur les bénéfices des sociétés et prévoit une augmentation générale des prix affichés, cela après négociations avec les compagnies pétrolières.

En fait, les pressions de l’O.P.E.P. furent jusqu’à octobre 1973 relativement modérées; elles portèrent sur trois points, tous tendant à augmenter sensiblement les revenus pétroliers:

– augmentation de l’impôt sur les sociétés à 55 p. 100 des bénéfices, en vertu des accords conclus à la suite de la résolution 120, à Téhéran le 14 février 1971, entre les compagnies et les pays producteurs du golfe Persique, et à Tripoli le 2 avril 1971 entre elles et les producteurs riverains de la Méditerranée;

– double augmentation des prix affichés, en vertu des mêmes accords, l’une immédiate de 35 cents par baril, l’autre de 2,5 p. 100 par an (plus 5 cents par baril), de 1971 à 1975, pour compenser les effets de l’inflation mondiale;

– enfin, à la suite des deux accords de Genève avec les sociétés le 20 janvier 1972 et le 1er juin 1973, deux nouvelles augmentations des prix affichés, destinées à compenser pour les producteurs les pertes de pouvoir d’achat provenant des dévaluations du dollar de décembre 1971 et février 1973.

Au total, l’Arabian Light, dont le prix sert de référence, passait de 1,8 dollar le baril en 1970 à 2,9 dollars en juin 1973, et les revenus pétroliers de l’O.P.E.P. triplaient de 1970 à 1973, passant de 7,528 millions de dollars à 23,3 milliards de dollars.

C’est la guerre du Kippour qui servit de raison, ou de prétexte, au véritable choc pétrolier de fin 1973. L’offensive se déroule en deux temps et – fait nouveau – comporte des décisions unilatérales de l’O.P.E.P. sans négociation préalable avec les compagnies: première augmentation nouvelle des prix affichés de 70 à 100 p. 100 imposée par l’O.P.E.P. à la Conférence de Koweit le 16 octobre 1973; deuxième augmentation (plus que le doublement) des mêmes prix à la Conférence de Téhéran le 23 décembre 1973. La hausse était brutale: l’Arabian Light grimpait à 11,6 dollars le baril en janvier 1974, près de 4 fois plus que six mois auparavant, 6 fois plus qu’en 1970, et les revenus pétroliers des pays de l’O.P.E.P. étaient, de 1973 à 1974, multipliés par 4, dépassant 86 milliards de dollars en 1974. Le choc était sévère pour tous les pays consommateurs.

Du premier au deuxième choc pétrolier (1974-1981)

Une certaine pause succède au premier choc pétrolier, marquée par une ascension plus modérée des prix jusqu’à la crise de la révolution iranienne en 1978.

Les hausses des prix affichés deviennent plus rares et moins fortes pendant quatre ans; les pays de l’O.P.E.P. commencent à redouter que les réactions des grands pays industriels du monde occidental ne se traduisent, à plus ou moins court terme, par une diminution de leurs achats pétroliers, susceptible de provoquer un retournement du marché pétrolier. Deux relèvements des prix affichés interviennent: l’un de 10 p. 100 à partir du 1er octobre 1975 décidé en fin septembre par la Conférence de Vienne, l’autre de 5 à 10 p. 100 décidé à la Conférence de Doha (Qatar) le 15 décembre 1976. Le gel des prix est même officiellement décidé aux Conférences de Caracas en 1977 et de Genève en 1978.

Mais les charges pesant sur le pétrole ont été, durant cette période, en 1974 spécialement, accrues pour deux raisons: le taux de la royalty – initialement de 12,5 p. 100 – est augmenté à trois reprises en 1974, porté à 14,5 p. 100 le 1er juillet (Conférence de Quito), à 16,66 p. 100 le 1er octobre (Conférence de Vienne), à 20 p. 100 le 1er novembre (Conférence d’Abu Dhabi); parallèlement, à ces deux dernières conférences, le taux de l’impôt sur les bénéfices est porté de 55 à 65,7 p. 100, puis à... 85 p. 100.

La crise iranienne, en suspendant pour l’O.P.E.P. la menace d’une surproduction pétrolière, met un terme à la fin de 1978 à la modération toute relative dont avaient fait preuve pendant cinq ans les pays de l’Organisation. Un deuxième choc pétrolier, plus sévère encore que celui de fin 1973, va s’étaler sur près de trois ans. Sans même attendre les décisions de la Conférence de l’O.P.E.P. qui devait se réunir à Abu Dhabi en décembre 1978, un certain nombre de pays producteurs imposent des hausses de prix au cours du dernier trimestre de 1978; en fait, huit hausses de prix se succédèrent de la Conférence d’Abu Dhabi (16 décembre 1978) à janvier 1981: une première hausse de 14,5 p. 100 est décidée à Abu Dhabi pour 1979, échelonnée sur l’ensemble de l’année, mais elle fut plus importante que prévu; une autre forte hausse est fixée à Genève en juin 1979; puis, en octobre 1979, de nouvelles hausses sont décidées en ordre dispersé par plusieurs producteurs sans attendre la Conférence de fin d’année prévue à Caracas; ensuite, renouvellement du même scénario en 1980 – en janvier, en avril, en mai, en juin (Conférence d’Alger), en septembre, en octobre –, pour finir par une augmentation généralisée de 10 p. 100 décidée le 15 décembre à la Conférence de Bali pour 1981.

Depuis 1981, la tendance s’est calmée; la Conférence de Genève, à la fin d’octobre 1981, a essayé de procéder à une remise en ordre des prix avec des hausses pour certains pays, mais des baisses pour d’autres.

Plusieurs données chiffrées matérialisent l’ampleur du deuxième choc pétrolier: le prix de l’Arabian Light est passé de 12 dollars le baril en 1977 à 34 dollars depuis octobre 1981, celui du pétrole de Koweit de 12,5 dollars en 1977 à 35,5 dollars en janvier 1981. Le prix du baril a en moyenne été multiplié par 18 à 19 de 1970 à 1981. Compte tenu de l’augmentation des prix et de l’accroissement de la production de 1970 à 1980, les revenus pétroliers de l’O.P.E.P. ont été, en dollars courants, multipliés en dix ans par plus de 36: en 1980, ils atteignaient 275 milliards de dollars. Le premier objectif de l’O.P.E.P. semble donc avoir été atteint (tabl. 2). Il en est de même pour une large part du second volet du programme de l’Organisation: la mainmise des pays producteurs sur leurs ressources pétrolières.

La mainmise sur les ressources pétrolières

Dans ce domaine, deux résolutions de l’O.P.E.P. prévoyaient de manière assez vague une «participation raisonnable et effective» des États producteurs. En fait, l’O.P.E.P. a laissé à ses membres l’entière liberté de décider la forme et le pourcentage de participation. Mais ce n’est qu’à partir de 1971-1972 que les États membres de l’O.P.E.P. sont intervenus pour régler ce problème. Les solutions adoptées ont été très diverses, avec trois principales.

La solution la plus radicale a été l’expropriation pure et simple par la nationalisation: ainsi a procédé, dès 1971, l’Algérie avec la nationalisation des sociétés étrangères et la prise de contrôle de tout le secteur pétrolier par la Société nationale algérienne, Sonatrach. La Libye a suivi en 1972, après avoir en vain demandé aux grandes sociétés une participation minimale de 51 p. 100. De même, au printemps de 1972, l’État irakien a nationalisé l’Iraq Petroleum Company.

Des solutions plus souples, mais qui à terme aboutirent au même résultat, ont été adoptées par les autres pays producteurs de l’O.P.E.P. en Afrique et dans le golfe Arabo-Persique, celle notamment de la prise de participation progressivement croissante dans les sociétés exploitantes, chacun ayant créé sa propre société nationale comme la Kuwait Oil Company ou la National Nigerian Oil Company. La conclusion d’un «accord-cadre», signé à New York le 5 octobre 1972 entre les représentants des différentes compagnies et plusieurs pays du golfe Arabo-Persique, fut à l’origine de cette méthode. L’accord prévoyait un échéancier pour les prises de participation: 25 p. 100 en 1973, 30 en 1979, 35 en 1980, 40 en 1981, 45 en 1982, 51 p. 100 en 1983. Deux conditions devaient être remplies par les pays producteurs pour qu’ils puissent élever le taux de leur participation: déclarer quatre ans à l’avance leur intention d’acquérir un supplément de participation, et acquitter, avant de l’obtenir, l’indemnisation due au titre de la participation déjà obtenue et calculée à partir de la valeur comptable de cette participation, ajustée en tenant compte de l’inflation. Cet accord devait servir de base à des négociations bilatérales. Plusieurs accords furent ainsi conclus, en décembre 1972 avec Abu Dhabi, en janvier 1973 avec Koweit par exemple, mais ils furent très rapidement remis en question, les pays du Golfe demandant immédiatement une participation de 51 p. 100.

En pratique, les pays producteurs ont acquis une participation majoritaire dans les consortiums d’exploitation ainsi créés. Les compagnies pétrolières voient même leur propre part diminuer d’année en année, et se convertissent de plus en plus en sociétés opératrices. Pour ne prendre qu’un exemple, la Compagnie nationale des pétroles du Nigeria détient 55 p. 100 des parts des sociétés d’exploitation, avec des partenaires minoritaires détenant chacun 22,5 p. 100 des parts comme Shell et B.P., Agip et Philips, ou 45 p. 100 comme Mobil, Gulf ou Elf-Aquitaine.

Troisième solution: le pays détenteur de réserves pétrolières décide de mettre en production des gisements encore inexploités, en association avec de grandes compagnies, qui ont uniquement le rôle d’opérateurs, sous le contrôle de l’État hôte; la même association peut réunir une société étrangère anciennement concessionnaire d’un gisement déjà exploité et la société nationale qui, au nom de l’État, détient la propriété du gisement et fixe les zones à prospecter et à exploiter. Ainsi, la société d’État indonésienne Pertamina a conclu un grand nombre de ces contrats avec de grandes compagnies étrangères, le contractant étranger ayant seul la charge des investissements de recherche et de développement, dont il est remboursé en cas de résultat positif, et recevant ensuite une part de la production (15 p. 100 dans le cas indonésien). C’est la pratique des contrats dits de partage de production, différente de celle des joint-ventures (deuxième solution).

Les conséquences de la politique de l’O.P.E.P.

Plusieurs conséquences en chaîne dérivent des crises pétrolières provoquées par l’O.P.E.P. et tout particulièrement des hausses considérables et successives des prix du pétrole brut et des produits pétroliers.

La plus immédiate a été le gonflement de la «facture pétrolière» pour les pays consommateurs qui ne produisent pas de pétrole ou pas assez au regard de leur consommation: ce fut le cas non seulement des pays industriels d’Europe occidentale et du Japon, dont la production pétrolière était faible, infime ou nulle, mais aussi des États-Unis, en dépit de leur place de troisième producteur mondial de pétrole et de premier producteur mondial de gaz naturel, et en raison d’une politique systématique de conversion de leur consommation énergétique vers les hydrocarbures, et ce depuis des décennies – 75 p. 100 de leur consommation d’énergie primaire sous forme d’hydrocarbures, 45 p. 100 pour le seul pétrole, en 1973, dernière année normale avant le premier choc pétrolier. Les États-Unis sont le premier importateur mondial de pétrole et de produits pétroliers, 450 millions de tonnes en 1977, année de pointe pour les achats extérieurs (déduction faite des exportations). Avec un certain décalage chronologique, les pays industriels d’Europe occidentale et le Japon ont suivi l’exemple américain; respectivement 716 millions de tonnes pour l’Europe, 269 millions de tonnes pour le Japon en 1973, année de pointe pour les importations de pétrole brut. Résultat: la valeur des importations de pétrole brut des neuf principaux consommateurs du monde occidental a été multipliée par 9 de 1973 à 1980 (année de pointe où elle atteignait 230 milliards de dollars). Seule, parmi les pays industrialisés, l’U.R.S.S., devenue le premier pays producteur de pétrole dans le monde depuis 1975, et exportatrice de brut, échappe à cette situation.

Les incidences en sont inégalement graves. Trois cas sont à distinguer.

Quelques rares pays, fortement industrialisés et délibérément exportateurs, ont pu soutenir, grâce à un fort excédent commercial de produits fabriqués, les chocs pétroliers: l’Allemagne fédérale, le Japon, et, à un moindre titre, les Pays-Bas. Ainsi l’Allemagne fédérale, dont la facture pétrolière a plus que doublé de 1973 à 1974, a pu néanmoins, d’une année sur l’autre, augmenter de 5 milliards de dollars son excédent commercial. Le Japon en revanche a vu le sien diminuer, mais subsister. Un cas assez exceptionnel est celui de la Corée du Sud qui a bien supporté le premier choc pétrolier, équilibrant ses achats de pétrole aux pays du golfe Arabo-Persique par les revenus de ses contrats de travaux publics et l’exportation de main-d’œuvre à ses pays fournisseurs du Moyen-Orient, mais il n’en a pas été de même pour le second choc pétrolier qui a provoqué un important déficit commercial.

Mis à part les cas particuliers de la Grande-Bretagne et de la Norvège du fait de la mise en exploitation des hydrocarbures de la mer du Nord, tous les pays industrialisés ont dû aux crises pétrolières soit un déséquilibre de leur balance commerciale, soit un accroissement du déficit préexistant, en dépit d’un vigoureux effort d’exportation de produits industriels et agricoles. La facture pétrolière des États-Unis, multipliée par 16 de 1973 à 1980 – 64 milliards de dollars –, engendre un déficit commercial considérable: 25 milliards de dollars en 1980; celle de la France, multipliée par plus de 7 de 1973 à 1980 – 26 milliards de dollars –, un déficit important : 12 milliards de dollars en 1980. Des pays comme l’Espagne et l’Italie ont vu de 1973 à 1980 leurs déficits commerciaux augmenter respectivement de plus de 3 fois et de près de 5 fois.

Encore convient-il d’insister sur une situation encore plus difficile, celle des pays sous-développés non producteurs de pétrole, surtout d’Afrique et d’Asie: certes, du fait même de leur sous-développement, ils ne sont que de faibles consommateurs de pétrole, mais les achats nécessaires, même en faible tonnage, de produits pétroliers ne peuvent à aucun titre être compensés par des ventes de produits industriels que ces pays sont au contraire obligés d’importer; les pays africains et sud-asiatiques non producteurs ou très faibles producteurs de pétrole doivent cependant importer pour leurs besoins quelque 40 à 50 millions de tonnes de pétrole. Leurs seules monnaies d’échange sont des produits bruts du sol ou du sous-sol qui ne couvrent pas les achats pétroliers, surtout les années où des fluctuations de prix à la baisse, incontrôlables et incontrôlées, entraînent une chute, parfois considérable, des cours des produits agricoles (en cas de surproduction) et des matières premières du sous-sol (en cas de récession dans les pays industrialisés consommateurs). Il en résulte pour ces pays, d’une part une situation grave de déficit commercial endémique, d’autre part, pour contenir l’aggravation de ce déficit, une réduction de leurs achats de produits fabriqués. D’où une diminution du niveau de vie par insuffisance de l’offre des produits industriels de consommation courante, et une entrave au développement économique par restriction des importations de biens d’équipement.

Une seconde conséquence des crises pétrolières dues à la politique de l’O.P.E.P. est l’augmentation, importante et généralisée, du prix de toutes les sources d’énergie. Ceux-ci, certes, ne sont pas encore, à la thermie, alignés sur le prix de la thermie-pétrole, mais la tendance va vers un alignement. Le gaz naturel, demeuré longtemps moins cher, tend à s’en rapprocher; certains contrats à long terme d’achats de gaz naturel, conclus en 1982, comportent une clause d’indexation sur les prix du pétrole et des produits pétroliers; le prix du gaz en France a, aux prix de 1982, quadruplé par rapport à 1970. Les autres sources d’énergie suivent avec un certain retard: ainsi, en France, le prix de référence de la thermie-charbon, fixant impérativement la limite supérieure d’exploitabilité des gisements houillers, était de 3 centimes en 1974: il est de 7,5 centimes en 1981. L’effet d’entraînement des hausses pétrolières sur les prix des autres sources d’énergie est donc incontestable.

Les incidences d’une pareille évolution sont diverses. La première est une contribution décisive à une poussée inflationniste dans le monde dès lors que, d’une part, le prix du pétrole augmente de 18 ou 19 fois en onze ans et que le pétrole assure près de la moitié de la consommation mondiale d’énergie, et que, d’autre part, cette augmentation considérable des prix produit un effet d’entraînement sur les prix des autres sources d’énergie. On a parfois présenté l’évolution des prix pétroliers comme la cause essentielle de la poussée inflationniste mondiale. Si cette affirmation est exagérée, le premier choc pétrolier de 1973 a contribué pour 3 à 4 points à l’inflation mondiale, d’après plusieurs estimations qui paraissent vraisemblables, et le second, en 1978, pour une valeur probablement supérieure, mais plus délicate à estimer.

En revanche, l’autre effet se révèle à court terme positif. L’une des raisons essentielles de la tendance de la consommation énergétique mondiale à la conversion pétrolière jusqu’aux crises de 1973-1974 et de 1978-1980 était le bas prix du pétrole à la thermie. C’est lui qui explique jusqu’en 1973 la désaffection vis-à-vis du charbon, la limitation, voire l’arrêt dans certains pays, de l’équipement hydroélectrique, et la lenteur des réalisations et des programmes industriels dans l’électronucléaire. Pour des raisons économiques qui pouvaient paraître valables et qui ont emporté, pendant longtemps, l’adhésion des gouvernements et des utilisateurs privés, la priorité a été donnée à la source d’énergie la moins chère, le pétrole.

La situation s’est complètement retournée: du fait de la politique de l’O.P.E.P., le pétrole est devenu la source d’énergie la plus chère, parmi l’ensemble des sources d’énergie techniquement disponibles à grande échelle. Si les estimations de prix de revient du kilowattheure varient sensiblement d’un pays à l’autre, la hiérarchie de ces prix montre en 1980-1981 le très net handicap du kWh produit par une centrale thermique brûlant du fuel-oil no 2-35 à 45 centimes, contre 20 à 30 centimes pour le kWh d’une centrale fonctionnant au charbon, 12 à 13 centimes pour le kWh d’origine électronucléaire, et un prix comparable pour le kWh d’origine hydraulique. De là deux conséquences. La concurrence des prix énergétiques joue contre le pétrole pour tous les usages pour lesquels est possible l’interchangeabilité des sources d’énergie. On a donc retrouvé de l’intérêt à l’extraction charbonnière et à l’équipement hydroélectrique, et élaboré des programmes, parfois très ambitieux, pour la production d’électricité d’origine nucléaire aux dépens de l’équipement de centrales fonctionnant au fuel-oil.

Il y a plus: le pétrole ne saurait à terme être rayé de la carte énergétique du monde, car les produits dérivés ont des usages spécifiques, notamment comme carburants et comme matières premières d’un secteur industriel en pleine expansion, la pétrochimie. L’un des cadeaux – involontaires – de l’O.P.E.P. est d’avoir valorisé trois types de ressources pétrolières qui n’auraient pas été accessibles si le prix du pétrole s’était maintenu à 2 dollars le baril, mais qui deviennent rentables avec un prix du baril de 32 à 34 dollars: c’est d’abord le pétrole de récupération tertiaire, utilisant divers procédés nouveaux pour tirer d’un gisement plus que ne permettent le jaillissement spontané et le pompage; c’est ensuite le pétrole de gîtes reconnus, mais inexploités jusqu’alors du fait de conditions techniques difficiles ou d’une réserve jugée naguère insuffisante pour couvrir les investissements de développement et d’évacuation. La principale source nouvelle et récente de pétrole est fournie par les gisements sous-marins de l’offshore, jusqu’à 400 mètres de profondeur dans l’état actuel des techniques. Certes, l’investissement en plates-formes de forage, en plates-formes de production, en pipe-lines sous-marins, est très élevé, et le coût de fonctionnement de ces installations grève aussi le prix du baril de pétrole sous-marin, même dans des mers calmes, a fortiori dans des mers très difficiles comme la mer du Nord; mais, avec un prix de revient de l’ordre de 14 à 15 dollars le baril, ce pétrole, au surplus proche des lieux de consommation, peut supporter la concurrence du pétrole O.P.E.P. et rapporter des bénéfices aux sociétés exploitantes.

Un autre cadeau – aussi involontaire – de l’O.P.E.P. consiste dans la valorisation nouvelle de réserves charbonnières dont la mise en exploitation avait été abandonnée ou qu’on avait décidé de ne pas exploiter parce que la thermie-charbon de ces gisements était jusqu’en 1973 plus chère que le prix alors très bas de la thermie-pétrole. Il en va de même pour des réserves hydroélectriques, naguère stérilisées en raison de leur coût d’investissement trop élevé au regard de leur éventuelle production moyenne annuelle. Assez paradoxalement, la crise pétrolière a accru les réserves énergétiques non pétrolières d’un certain nombre de pays industriels susceptibles de les exploiter parce qu’elles sont redevenues rentables.

Une troisième conséquence est la prise de conscience des dangers que fait courir aux pays consommateurs de pétrole une dépendance trop forte vis-à-vis de cette ressource énergétique, et vis-à-vis de ses producteurs du Moyen-Orient. En 1974, au moment du premier choc pétrolier, le taux de dépendance pétrolière à l’égard du Moyen-Orient était très élevé pour les principaux consommateurs ouest-européens sauf l’Allemagne fédérale (55 p. 100) – compris entre 70 p. 100 pour l’Italie et 84 p. 100 pour l’Espagne, la France et les Pays-Bas se trouvant dans une situation intermédiaire (respectivement 77 et 76 p. 100). On trouve le même taux de dépendance au Japon, et il était de 100 p. 100 en Corée du Sud. Seuls, parmi les pays industrialisés du monde occidental, les États-Unis devaient à leur forte production nationale et à une diversification plus poussée de leurs fournisseurs étrangers un taux de dépendance s’élevant seulement à 14 p. 100, mais, compte tenu de l’ampleur de leur consommation, portant sur un tonnage de plus de 100 millions de tonnes.

Un problème de sécurité de l’approvisionnement pétrolier est dès lors posé. D’une part, maîtres de leur politique pétrolière depuis les nationalisations ou les prises de participation majoritaire suivant les pays, les pays producteurs du Moyen-Orient ont complètement inversé les rapports de force qui existaient avant 1960, et ils connaissent la valeur politique et stratégique de l’arme dont désormais ils disposent. Déjà, ils ont menacé certains pays d’un embargo pétrolier au moment de la guerre du Kippour en 1973. Depuis 1978, la révolution islamique iranienne et la guerre irano-irakienne ont démontré la menace que l’instabilité politique au Moyen-Orient fait planer sur l’approvisionnement pétrolier du monde occidental. Dès avant la guerre du Golfe (1990-1991), le détroit d’Ormuz est devenu l’une des zones mondiales stratégiquement parmi les plus sensibles.

Les perspectives d’instabilité politique demeurent pour l’avenir, ainsi que certains incidents graves l’ont montré en Arabie Saoudite, qui est le pays du Moyen-Orient qui recèle le quart des réserves prouvées de pétrole et a produit en 1992 près de 430 millions de tonnes.

Ce sont ces conséquences qui, face à la politique pétrolière de l’O.P.E.P., ont imposé aux compagnies pétrolières et aux États du monde occidental une nouvelle politique pétrolière et énergétique depuis 1974.

La nouvelle politique pétrolière et énergétique

Dès 1974, les réactions des pays industrialisés consommateurs de pétrole, et des grandes compagnies pétrolières, furent inspirées par plusieurs impératifs, trois principalement. Le premier était celui de la sécurité physique de l’approvisionnement pétrolier pour un produit indispensable dans le domaine des transports et pour un certain nombre d’usages industriels, et dont le rôle stratégique en cas de conflit était et demeure incontesté. Il y allait de la survie économique des pays industrialisés, qui, assez imprudemment depuis la création de l’O.P.E.P. en 1960 et la publication officielle de ses objectifs en 1962, s’étaient jetés à corps perdu dans la consommation pétrolière en en faisant dépendre l’essentiel de leur vie économique, avec la conviction, alimentée par l’euphorie des années 1960, que les découvertes pétrolières continueraient et que, du fait de la pléthore, les prix des produits pétroliers continueraient à baisser en monnaie constante. Pis encore, il y allait de l’indépendance politique des pays occidentaux face au monde communiste qui, à la même époque, multipliait en Sibérie et en Chine des découvertes considérables d’hydrocarbures liquides et gazeux. Ce n’est pas par hasard que le premier plan cohérent élaboré dans le monde en 1974, celui de l’administration Nixon aux États-Unis, s’appelle le «Programme Indépendance».

Deuxième impératif: la sécurité financière de l’approvisionnement . Le monde ne pouvait continuer à vivre dans la hantise constante de hausses parfois brutales, sinon exorbitantes, des prix pétroliers; celles-ci grèvent très lourdement les balances commerciales, au point de créer des situations intolérables de déficit des paiements qui provoquent des sorties importantes d’or et de devises. En outre, l’augmentation des prix du pétrole et son effet d’entraînement sur les prix des autres sources d’énergie contribuent, indépendamment d’autres facteurs, à la généralisation de la poussée inflationniste dans le monde. Le premier choc pétrolier avait été en 1974 la cause principale d’une récession économique. Sous peine de laisser monter le chômage, diminuer le niveau de vie, avec d’inévitables secousses sociales et des bouleversements politiques, les pays du monde occidental étaient contraints de limiter, puis d’arrêter la récession. Une nouvelle politique pétrolière et énergétique en était et en demeure la condition.

Actrices principales de la politique pétrolière mondiale jusqu’en 1960, les grandes compagnies pétrolières des États-Unis, d’Europe occidentale et du Japon ont vu s’imposer à elles un troisième impératif qui rejoint en partie les deux précédents. Jusqu’alors leur puissance avait eu pour bases leur capital minier, c’est-à-dire les concessions dont elles disposaient au Moyen-Orient, en Amérique, en Insulinde, et dont elles tiraient un pétrole, générateur de bénéfices importants, et leur activité de raffinage et de distribution. Or, depuis 1970-1972, leur capital minier s’est effrité du fait des nationalisations et des prises de participation, désormais majoritaires, des pays producteurs dans les sociétés d’exploitation. Quant à l’activité de raffinage et de distribution, elle se trouve, en particulier en Europe occidentale, gravement atteinte par l’augmentation considérable de sa matière première et par la fixation étatique du prix de vente des produits pétroliers. L’activité de raffinage voit ses bénéfices s’amenuiser ou doit faire face à un déficit d’exploitation. La situation du raffinage tend à devenir d’autant plus critique dans certains pays que la capacité de raffinage est trop élevée – la surcapacité mondiale est de 32 p. 100 en 1981, et de nombreuses raffineries ne travaillent qu’à 60-70 p. 100 de leur capacité de traitement – et que l’industrie du raffinage doit faire face à des investissements importants pour lutter contre la pollution et développer ses équipements de cracking catalytique, en raison de la diminution de la consommation de fuel-oil et du maintien d’une progression dans la consommation des produits légers.

Les grandes compagnies pétrolières sont donc confrontées à la nécessité de remplacer le capital minier qu’elles perdent par de nouvelles concessions, si possible sur leur territoire national – cas très rare –, sinon dans la zone offshore qui relève de la souveraineté nationale de leur pays (conformément à la Convention de Genève de 1958), ou ailleurs, en dehors des zones sensibles de l’O.P.E.P. Elles ont également en vue une perspective pessimiste que les années 1980 devaient cependant corriger. Les réserves pétrolières prouvées plafonnent du fait de l’épuisement de nombreux gisements: 92 milliards de tonnes en 1982 (mais 136 milliards en 1992). Ce plafonnement démontre que chaque année on ne découvre qu’un tonnage nouveau de pétrole équivalant au tonnage de l’extraction de l’année. Sauf anticipations sur le montant de réserves possibles, notamment dans l’offshore profond, inexploitable dans l’état des techniques de production, le monde ne dispose que de trente-deux années de production sur la base de l’extraction de 1981 (quarante-trois années en 1992). Donc, pour assurer leur survie dans l’hypothèse d’un épuisement des réserves pétrolières en un tiers de siècle, et pour se donner par une diversification de leurs activités une assise moins provisoire, les grandes compagnies pétrolières multinationales ont été conduites à se projeter dans d’autres secteurs économiques, énergétiques (charbon, nucléaire comme Gulf Oil ou Total), miniers (nickel et chrome pour Elf-Aquitaine), ou industriels.

Imposés par la politique de l’O.P.E.P. depuis 1970-1973 aux États et aux grandes compagnies pétrolières, les trois groupes d’impératifs qui viennent d’être analysés ont eu deux résultats: une nouvelle politique pétrolière conduite conjointement par les principaux États industrialisés et leurs compagnies pétrolières, et, indirectement, une nouvelle politique énergétique tendant à remplacer partiellement le pétrole dans la consommation énergétique mondiale.

La réduction de la dépendance à l’égard des pays de l’O.P.E.P. implique deux groupes d’actions dans le domaine pétrolier: économiser le pétrole; trouver et développer en dehors de l’O.P.E.P. d’autres ressources pétrolières, si possible nationales, en tout cas plus sûres que celles du Moyen-Orient.

La politique des économies d’énergie

La politique des économies d’énergie, et spécialement de produits pétroliers, a été inaugurée dès 1974; son application ne pouvait être que lente, mais elle commence depuis 1978 à produire des effets notables. La première manifestation de cette nouvelle politique apparaît dès janvier 1974 dans le message de R. Nixon au Congrès américain: «Avec un nombre d’habitants qui représente 6 p. 100 de la population mondiale, nous consommons près d’un tiers de l’énergie utilisée dans le monde», et le message télévisé de J. Carter précisait le 18 avril 1977: «Nous ne pouvons continuer à utiliser le pétrole et le gaz pour satisfaire 75 p. 100 de notre consommation, alors qu’ils ne représentent que 7 p. 100 de nos réserves domestiques.» D’une manière générale, dans la plupart des pays consommateurs, trois séries de mesures furent décidées pour diminuer la consommation des produits pétroliers.

La première se fonde sur l’effet dissuasif des hausses de prix: elles furent largement appliquées dès 1974 en Europe, et avec d’autant plus d’allégresse par les États que ces hausses procurent des rentrées fiscales substantielles par le biais des taxes sur les carburants routiers et de la T.V.A. L’application des hausses de prix fut plus lente aux États-Unis où l’habitude d’une forte consommation de produits pétroliers provoqua l’opposition du Congrès aux propositions de l’administration Nixon en 1974, visant à aligner les prix du pétrole américain sur les prix O.P.E.P.; la taxe sur le pétrole fut une nouvelle fois refusée en octobre 1978 par le Congrès, qui vota seulement l’augmentation, échelonnée jusqu’en 1985, des prix du gaz naturel.

En revanche, la méthode partout appliquée consista, par des mesures légales et réglementaires ou par des incitations, à économiser la consommation des carburants routiers et des fuel-oils, qui constituent les deux plus gros tonnages utilisés de produits pétroliers. En ce qui concerne les carburants routiers, des limitations de vitesse furent imposées aux véhicules automobiles dans de nombreux pays – 55 miles/heure aux États-Unis, 90 km/h en France – et des interdictions de vente d’essence et même de circulation durant les week-ends furent instaurées. L’État engagea les constructeurs d’automobiles à diminuer les consommations d’essence, et les États-Unis eux-mêmes établirent des taxes sur les voitures trop grosses consommatrices – allant jusqu’à 3 850 dollars pour une consommation supérieure à 19 litres.

Un très gros effort est poursuivi un peu partout pour restreindre l’utilisation des fuel-oils: encouragement à l’isolation des locaux, avec aides de l’État sous forme de subventions ou de détaxations fiscales (en France par exemple) – aux États-Unis, l’objectif est de créer ou d’améliorer l’isolation de 90 p. 100 des locaux existants, et l’isolation est obligatoire pour les bâtiments neufs –, limitation obligatoire des températures de chauffage – afin de diminuer la consommation de fuel domestique. Grosses consommatrices de fuel lourd no 2, les industries, par exemple les cimenteries et les centrales thermoélectriques, furent invitées à se reconvertir à la chauffe au charbon ; aux États-Unis, une loi de novembre 1978 interdit même d’utiliser le fuel ou le gaz naturel dans les grosses chaudières industrielles et les centrales électriques nouvelles; elle institue des crédits d’impôts pour favoriser l’emploi de sources d’énergie de remplacement et, inversement, supprime l’avantage fiscal de l’amortissement accéléré aux industriels contrevenant aux nouvelles dispositions. Le programme énergétique adopté en décembre 1977 prévoyait l’importation de 25 à 30 millions de tonnes de charbon pour la seule fourniture d’électricité thermique. Autres moyens utilisés par un certain nombre de pays pour économiser le fuel: la reprise ou l’accélération des programmes hydroélectriques, et surtout – en particulier aux États-Unis, en France, au Japon, à un moindre titre dans la plupart des autres pays industriels, et même dans des pays en développement comme la Corée du Sud ou Taiwan – la mise en place de programmes d’équipement électronucléaire parfois très ambitieux: 108 000 MW électronucléaires aux États-Unis, 64 000 en France, 52 000 au Japon, et, dans l’ensemble du monde occidental en 2000, près de 340 000. La part de l’électronucléaire dans la consommation d’électricité deviendrait alors très largement majoritaire dans certains pays, de l’ordre de 75 p. 100 aux États-Unis et en France (20 p. 100 et 78 p. 100 en 1993, respectivement).

La politique des économies pétrolières a été payante, même si ses résultats ont demandé quelques années pour se concrétiser: de 1974 à 1979, la consommation des grands pays industriels n’a, pour les combustibles liquides, augmenté que faiblement; depuis 1979-1980, la tendance est à la diminution; pour l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et le Japon, elle n’a augmenté que de 9 p. 100 de 1974 à 1979, contre 11 p. 100 de 1970 à 1974; la tendance s’inverse à partir du milieu de 1979, avec une baisse de 12 p. 100 de 1979 à 1981. Deux exemples attestent ce phénomène. La consommation des États-Unis a baissé de 105 millions de tonnes (face=F0019 漣 14 p. 100) de 1978 à 1981, celle de la France de 18 millions de tonnes (face=F0019 漣 18 p. 100) de 1979 à 1981.

Corollaire de cette évolution: la diminution en tonnage des importations de pétrole brut par les pays industriels, 20 p. 100 de 1979 à 1981; les baisses d’achat les plus importantes concernent les États-Unis (plus de 100 millions de tonnes), le Japon (plus de 40), la France (plus de 35), l’Allemagne fédérale (plus de 25): au total 218 millions de tonnes pour les trois régions les plus industrialisées du monde. Revenant à une situation de pléthore, la production pétrolière mondiale a dû baisser de 12 p. 100 de 1979 (3,2 milliards de tonnes) à 1981 (2,8 milliards de tonnes).

Fait notable, mis à part les pays du monde communiste, cette baisse recouvre deux évolutions divergentes: la production des pays de l’O.P.E.P. est tombée de 27 p. 100 (la moitié de la production mondiale en 1979, moins des deux cinquièmes en 1981); celle du monde occidental est montée de 28 p. 100 (26 p. 100 du monde en 1979, 35 en 1981). Cela traduit le second volet de la nouvelle politique pétrolière.

La politique d’augmentation de la production pétrolière dans le monde occidental

Cette politique était à la fois nécessaire et possible. Nécessaire pour trois raisons: pour les pays détenteurs de réserves pétrolières, encore insuffisamment exploitées ou susceptibles d’être accrues, afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’O.P.E.P. et de diminuer leurs factures pétrolières; c’était ensuite l’intérêt des pays dépourvus de réserves ou ne détenant que des réserves mineures, en leur permettant de diversifier leurs fournisseurs, donc de mettre un terme à l’insécurité physique et financière que fait peser sur leurs approvisionnements pétroliers une dépendance trop exclusive vis-à-vis de l’O.P.E.P. et, éventuellement, des producteurs du monde communiste; enfin les grandes compagnies, partiellement dépossédées de leur capital pétrolier, avaient, elles aussi, intérêt à développer les prospections pétrolières en dehors des pays de l’O.P.E.P. pour reconstituer ce capital minier et maintenir, tout en diversifiant leurs activités minières et industrielles, leur puissance économique et financière.

Or cette augmentation de la production est possible, même pour des pétroles exigeant des investissements énormes, et d’un prix de revient très élevé; la hausse vertigineuse des prix O.P.E.P., devenus prix mondiaux, permet de dégager, même sur la production de pétroles chers extraits dans des zones difficiles (régions nordiques, offshore sous-marin), des bénéfices importants. Les grandes compagnies pétrolières conservent encore des disponibilités financières importantes, en vendant le pétrole de leurs concessions aux prix mondiaux avec des bénéfices considérables. Des études, provenant en particulier de la Chase Manhattan Bank, montrent, par exemple, que les revenus nets de vingt-six grandes sociétés pétrolières américaines et ouest-européennes, après avoir marqué le pas lors du premier grand choc pétrolier, ont repris leur ascension atteignant, cumulés, 35 milliards de dollars en 1980. Les investissements pour la recherche et la production de pétrole (et de gaz) ont pu sextupler de 1970 à 1979, atteignant 45 milliards de dollars en 1979.

La nouvelle politique pétrolière d’augmentation de production dans le monde présente trois aspects. Beaucoup de pays cherchent d’abord, dans un souci d’indépendance nationale, à valoriser les réserves inexploitées du sous-sol national. Le cas le plus spectaculaire est celui des États-Unis. Si le gouvernement n’a pu obtenir la libération des prix du pétrole brut, ce qui aurait constitué une incitation décisive au développement de gîtes au pétrole cher, du moins a-t-il poussé les sociétés américaines à développer l’extraction dans les États du continent américain, en supprimant, pour les compagnies extrayant à l’étranger, l’abattement de 22 p. 100 des bénéfices imposables pour reconstitution des stocks, mais en le maintenant pour le brut extrait du sous-sol américain, et en faisant accélérer la construction du pipe-line transalaskien, décidé par une loi de 1973 et mis en service en 1978; 23 milliards de dollars ont été investis pour les pétroles de l’Alaska. Ainsi, les réserves de pétrole des États-Unis, qui avaient fortement diminué dans la décennie soixante-dix, augmentent à nouveau (plus de 4 milliards de tonnes depuis 1987), et la production qui baissait depuis 1970 s’est redressée jusqu’en 1985, avant de décliner sous l’effet de la baisse du cours du baril de brut.

Sous des formes plus modestes, un certain nombre de pays, naguère petits ou moyens producteurs, ont accru leur production nationale. Le Mexique en fournit l’un des exemples les plus importants (100 millions de tonnes en 1987).

Même la France, productrice très faible, augmente par une exploitation plus rationnelle et plus sophistiquée de ses petites réserves sa production de pétrole, surtout dans le bassin parisien. Des pays sud-américains, comme le Brésil, le Pérou, l’Argentine, la Colombie, ou du Sud-Est asiatique, comme la Malaisie, Brunei, la Birmanie, ont augmenté plus ou moins sensiblement leur production. D’autres se sont créé des productions depuis 1974-1975, encore très modestes certes, comme le Zaïre et la Côte-d’Ivoire, le Guatemala, les Philippines et Taiwan, la Nouvelle-Zélande.

Le second aspect de la nouvelle politique pétrolière est l’intérêt fortement accru pour le pétrole offshore depuis 1974, en dépit de son prix de revient. Le «pétrole marin» assure aujourd’hui près du tiers de la production mondiale de pétrole. Le succès le plus important a été obtenu en mer du Nord, assurant à la Grande-Bretagne son autonomie pétrolière – mais la production britannique est en déclin depuis la fin des années 1980, tandis que progresse celle de la Norvège (94 millions et 107 millions de tonnes, respectivement, en 1992). D’autres zones maritimes sont prospectées et mises en exploitation dans la mer des Caraïbes, le long de la Californie, dans les mers de l’Insulinde, et même dans l’océan glacial Arctique, dans la mer de Beaufort, où les compagnies américaines espèrent trouver le relais de Prudhoe Bay, quand ce gisement sera épuisé. Mais la protection de l’environnement peut constituer un frein.

La troisième forme de la politique pétrolière est le fait des compagnies des pays consommateurs, mais non-producteurs ou producteurs infimes de pétrole. Pour diversifier leurs sources d’approvisionnement, elles obtiennent et exploitent des concessions, souvent en joint venture , dans des pays étrangers; ainsi en est-il des compagnies japonaises, italiennes et françaises: en France, Total et Elf-Aquitaine prospectent et extraient le pétrole sur les cinq continents et dans les zones offshore voisines, par exemple dans l’offshore indonésien de Bornéo.

La conséquence indirecte des politiques de l’O.P.E.P. et des parades qu’y opposent les principaux pays consommateurs est une tendance à la redistribution des parts respectives des sources d’énergie dans la consommation énergétique mondiale: des politiques d’expansion nouvelle du charbon sont décidées, à commencer par les États-Unis qui projettent de doubler leur extraction charbonnière – en 1985 – par rapport à la production de 1970 pour atteindre 1 milliard de tonnes, et bien davantage ensuite. De nouvelles politiques électriques sont mises en place, fondées sur une reprise modérée de l’hydroélectricité et surtout sur de très importants programmes d’équipement électronucléaire. L’appel aux énergies nouvelles – solaire, géothermique, éolienne, biomasse – est du domaine du futur, quand les techniques seront éprouvées et que ces énergies nouvelles deviendront compétitives.

Le monopole énergétique, vers lequel tendaient le pétrole et, à sa suite, le gaz naturel, s’est trouvé un temps affaibli, avant de reprendre force à la faveur de la baisse des prix. En 1992, le pétrole a concentré 40,1 p. 100 de la consommation d’énergie, le charbon a fourni 27,8 p. 100 de la consommation, le gaz en a assuré 22,9 p. 100, l’énergie hydraulique 2,4 p. 100 et le nucléaire 6,8 p. 100.

Les deux chocs pétroliers ont provoqué une prise de conscience de l’importance du problème énergétique. Des mesures ont été prises, les comportements des consommateurs se sont peu à peu modifiés, allant dans le sens des économies d’énergie. En outre, le ralentissement de la consommation, dû en partie à la crise économique, un changement dans la structure du bilan énergétique ont sinon battu en brèche la prééminence du pétrole, du moins porté un coup à la puissance des pays de l’O.P.E.P. Depuis le début des années 1980, les revenus tirés du pétrole par les pays de l’O.P.E.P. ont diminué de plus de 60 p. 100. Dans ces conditions, le succès de l’O.P.E.P. de 1973 à 1980 n’aura été, à terme, qu’une «victoire à la Pyrrhus».

3. La crise de l’O.P.E.P. (depuis 1982)

Les politiques énergétiques mises en œuvre par les pays occidentaux ont gravement altéré les succès considérables de l’O.P.E.P. dans le domaine des prix. Si l’O.P.E.P. a conservé la maîtrise de ses ressources pétrolières, ces politiques ont, au bout de quelques années d’application et de renforcement, provoqué au sein de l’O.P.E.P., par une sorte de choc en retour, trois difficultés majeures.

Les difficultés de l’O.P.E.P.

L’O.P.E.P. a perdu, au cours des années 1980, une part considérable du marché mondial du pétrole, la maîtrise des prix du baril, et une partie importante de ses revenus pétroliers.

Premier signe de crise . Alors qu’elle assurait en 1979 (année record) près des quatre cinquièmes des exportations mondiales de brut, la part de ses ventes se réduit en 1988 à la moitié, le cas limite étant celui de l’Arabie Saoudite, dont les exportations ne représentent plus que le quart, à peine, de celles de 1979; les producteurs du Proche-Orient et d’Afrique subissent des pertes de 45 à 55 p. 100. Celles-ci sont plus modérées pour le Venezuela, les exportations de l’Indonésie restant stables (tabl. 3).

Les causes de cet affaissement sont imputables à la mise en production, organisée par les grands pays industrialisés, de gisements extérieurs à l’O.P.E.P. et plus proches des zones de consommation (mer du Nord, offshore des États-Unis, Alaska, Mexique), à la diminution ou à la stagnation de la consommation mondiale de pétrole, consécutive à la préférence donnée à d’autres sources d’énergie et aux économies d’énergie, enfin à la défiance des gros consommateurs à l’égard des producteurs «durs» de l’O.P.E.P. et à la vulnérabilité des expéditions venant du golfe Arabo-Persique. Corollaire de la chute des exportations: la baisse de la production des pays de l’O.P.E.P. d’environ 600 millions de tonnes, les faisant ainsi passer de la moitié de l’extraction mondiale en 1979 à 30 p. 100 en 1988.

Deuxième signe de crise. La perte de la maîtrise des prix mondiaux du pétrole. Les nouvelles politiques énergétiques ont retourné le marché, en créant une pléthore de l’offre; l’O.P.E.P. comprend qu’elle ne peut plus augmenter le prix du pétrole. Elle décide d’abord de maintenir les prix antérieurs, celui du pétrole de référence, l’Arabian Light, restant fixé jusqu’en 1983 à 34 dollars le baril, avant de se résigner, en mars 1983 puis en janvier 1985, à baisser successivement de 15 p. 100 puis de 3 p. 100 le prix de son pétrole de référence, ramené à 28 dollars, en raison de la mévente de sa propre production. Mais, dès avant 1985, certains membres de l’O.P.E.P. avaient conclu des ventes à des prix inférieurs aux cours officiels. Le marché libre, ou marché «spot», qui s’est développé dans le monde occidental grâce au nouveau pétrole extérieur à l’O.P.E.P. va provoquer un affaissement beaucoup plus important des prix, qui tombent au-dessous de 20 dollars le baril et même, à certaines périodes, de 15 dollars (1986).

En fait, le pétrole de référence cesse d’être l’Arabian Light au profit du pétrole léger de la mer du Nord (le Brent) et du Texas. De plus, le prix moyen de vente se stabilise depuis 1985-1986 dans une fourchette allant de 15 à 20 dollars. La loi du marché libre s’est imposée même à l’O.P.E.P.: sa politique des prix de 1970 à 1981 était une victoire à la Pyrrhus.

Troisième signe de crise. La chute de ses exportations et l’effondrement de moitié des cours du baril expliquent l’affaissement grave des revenus pétroliers; celui-ci compromet lourdement les efforts de développement économique, qui reposaient surtout sur la manne pétrolière, même en Arabie Saoudite, le membre de l’O.P.E.P. le plus riche en pétrodollars.

Les réactions de l’O.P.E.P. face à sa propre crise

L’O.P.E.P. est confrontée à un dilemme: ou bien donner la priorité à la reconquête de son ancienne part du marché mondial – en développant sa production, compte tenu de son actuelle capacité d’extraction inemployée (de l’ordre de 500 à 600 millions de tonnes), de manière à freiner et à réduire la production des nouveaux pétroles, trop chers par rapport aux bas prix de vente d’un marché qui deviendrait pléthorique; ou bien revaloriser ses revenus pétroliers en réduisant sa production pour créer une pénurie génératrice de prix élevés. Ces deux solutions opposées rencontrent, pour des raisons différentes, bien des difficultés.

L’expansion de la production de l’O.P.E.P. ne pourrait réussir que si tous les pays qui la composent y participaient; or, si de gros producteurs comme l’Arabie Saoudite et le Koweit ont la capacité d’augmenter massivement et rapidement leur extraction, il n’en est pas de même pour d’autres, naguère importants, comme l’Iran, l’Irak, le Nigeria, et a fortiori pour de moyens ou petits producteurs qui, pour contribuer à l’effort commun, devraient investir afin de mettre en service de nouvelles réserves, ce qui leur est impossible du fait de l’effondrement de leurs revenus pétroliers, ou ce qu’interdit (dans le cas du Venezuela) l’amenuisement de leurs réserves.

L’autre solution – la réduction de la production de l’O.P.E.P. pour faire remonter les cours du brut – se heurte à deux difficultés et à un danger. La charte de l’O.P.E.P. lui permet de fixer des contingents de production, ou quotas indicatifs, non de les imposer, d’en contrôler l’exécution, d’en sanctionner les dépassements. Le consensus est le seul moyen. Or ce consensus est impossible à obtenir, à la fois du fait du clivage politique de l’O.P.E.P. entre les «durs» (Iran, Libye, Algérie) et les «modérés» (majoritaires dans le golfe Arabo-Persique), et à cause des intérêts divergents, en particulier de la part des petits producteurs (comme le Gabon) et des producteurs surpeuplés (comme le Nigeria ou l’Indonésie), pour qui les quotas signifient une diminution supplémentaire immédiate de leurs revenus pétroliers, déjà fortement restreints.

Un autre danger menace l’O.P.E.P.: c’est que le redressement des cours du pétrole, conséquence à terme de la réduction de sa production, constitue un encouragement aux pays non-O.P.E.P. pour continuer et renforcer leurs nouvelles politiques énergétiques; dans ce cas, les sacrifices de production de l’O.P.E.P. n’atteindraient pas leurs buts: les producteurs non-O.P.E.P. les compenseraient par une nouvelle augmentation de leurs extractions, et par un glissement supplémentaire de leur consommation énergétique vers d’autres sources d’énergie.

Dans ces conditions, les réactions de l’O.P.E.P. à sa propre crise se résument en une valse-hésitation entre les deux solutions opposées, sans aboutir au résultat recherché.

La politique des quotas (1982-1985)

Sur l’initiative de l’Arabie Saoudite qui, depuis août 1981, avait procédé à quatre réductions successives de sa production, l’O.P.E.P. décide à Vienne (mars 1982) d’appliquer des quotas à chacun de ses membres, sa production étant plafonnée à 18 millions de barils par jour (correspondant à un niveau annuel de près de 900 millions de tonnes); elle réduit ce plafond, en 1984, à 16 millions de barils par jour.

L’échec est complet. Chaque État membre considère les quotas qui lui sont fixés comme indicatifs: trois pays seulement les observent, à commencer par l’Arabie Saoudite, dont la production diminue des deux tiers de 1981 à 1985 et qui joue le rôle de «producteur d’appoint».

Le revirement de 1985

Lasse de continuer le jeu dangereux qui est le sien d’être pratiquement le seul pays à sacrifier sa production, l’Arabie Saoudite décide d’abandonner la politique des quotas; elle finit par être suivie par la conférence de Genève de décembre 1985, qui décide de porter le plafond général de l’O.P.E.P. de 16 à 18 millions de barils par jour, l’objectif étant dès lors pour elle de reconquérir sa part du marché mondial par une augmentation de sa production.

Second échec: la quantité pléthorique de pétrole ainsi produite provoque une chute des cours libres, les seuls qui sont pratiqués depuis 1985: le Brent se négocie à 12 dollars en mars 1986. Le succès de cette solution de l’O.P.E.P. dépendait du bon vouloir des producteurs non-O.P.E.P., à qui l’Arabie Saoudite essaie d’arracher une diminution de 20 p. 100 de leurs productions. La Grande-Bretagne et la Norvège se dérobent, et des producteurs moyens et faibles, également contactés, se contentent d’envoyer des «observateurs» à la conférence de Genève de mars 1986.

Plus grave: la chute des revenus pétroliers, du fait de l’affaiblissement des prix et de la surabondance du marché, crée une rupture de fait au sein de l’O.P.E.P.; les petits et moyens producteurs ne peuvent plus compenser la chute de moitié de leurs revenus par un impossible et rapide doublement de la production; les «durs» de l’O.P.E.P. réclament une diminution drastique de la production, que refusent les «modérés» du golfe Arabo-Persique; l’impasse est complète.

Le retour à la solution des quotas

La confusion devient telle que, sous la pression des partisans d’une limitation importante de la production, une conférence extraordinaire de l’O.P.E.P., réunie à Genève en mars-avril 1986, ne réussit, en dépit d’une durée inhabituelle, qu’à décider un plafond O.P.E.P. de 17 millions de barils par jour; mais l’absence d’accord sur les quotas de chaque membre devait rendre cette décision lettre morte.

Il fallut attendre une nouvelle conférence à Genève, en août 1986, pour que la répartition des quotas fût décidée, assortie d’une fixation du plafond total à 16 millions de barils par jour.

Deux faits nouveaux, toutefois, ont fait leur apparition:

– une tendance à vouloir stabiliser le prix du pétrole à un prix de l’ordre de 18 dollars, l’O.P.E.P. estimant inutile une nouvelle bataille à la baisse, et les producteurs non-O.P.E.P. jugeant ce niveau de prix compatible avec le maintien des exploitations de pétrole cher (offshore notamment);

– une tendance à la conciliation de plusieurs producteurs non-O.P.E.P. qui acceptent d’aider l’O.P.E.P. à éviter une chute des cours en réduisant volontairement leur production de 7 à 10 p. 100 (Mexique, Norvège par exemple), mais sans adhésion de la Grande-Bretagne ni des États-Unis.

La décennie de 1990 s’ouvre sur une ambiguïté: en novembre 1989, la conférence de l’O.P.E.P. à Vienne maintient le système des quotas tout en élevant le plafond global à 22 millions de barils par jour, mais sans espoir de voir respecter les quotas, les Émirats arabes unis ayant clairement signifié leur intention de les dépasser. Ce résultat de principe traduit le souci d’adapter la production à la demande prévisible et de maintenir la stabilité des prix.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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